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INFOS EXPRESS |
Orchestre de Paris Sciences et Lettres
(PSL), Moati Cohen, Invalides, 31 mai 2022

C'est avec Camille Saint-Saëns, Ernest Bloch et Joachim Rodrigo et son
incontournable Concerto d'Aranjuez que l'Orchestre de Paris Sciences et
Lettres dirigé par Johan Farjot et les deux solistes, Elsa Moati au
violon et Liat Cohen à la guitare, ont pu ravir un public venu nombreux
en la cathédrale Saint-Louis des Invalides.
Entrée en matière avec Saint-Saëns et sa Bacchanale, acte 3, scène 3 de
l'opéra Samson et Dalila, un numéro vif et mélodieux, offrant de belles
couleurs instrumentales, apte à mettre en lumière l'orchestre PSL formé
en très grande majorité par les étudiants et personnels de plusieurs
universités et écoles supérieures parisiennes, preuve de sa capacité à
aborder avec talent et maîtrise un répertoire exigeant. Ici, chaque
ligne, chaque pupitre s’est déployé pour atteindre en final l'intensité
dramaturgique attendue.
Les Trois Images de la Vie Hassidiques De Bloch ont donné la place
principale à Elsa Moati, jeune violoniste prolifique, reconnue et
généreuse dans son exploration musicale. Prenant et inspiré, dégageant
un souffle vital ou enfin exultant, toute la noble richesse imaginée par
Bloch s’est imposée avec sincérité, souplesse ou encore gravité sous
l'archet chantant, vibrant et fédérateur du violon de Moati, habilement
soutenu par la baguette de Farjot. C'est avec le même talent et
virtuosité que la violoniste s’est exprimée dans le Rondo Cariccioso,
opus 28 de Saint-Saëns. Ici, l'élégance et la grâce se sont disputées
dans cette sérénade empreinte de nostalgie.
Place enfin à Liat Cohen et ce chef d'oeuvre de la guitare qu'est le
Concerto D'Aranjuez, cadeau nuptial d'un compositeur à sa jeune épouse,
parcouru par des thèmes puissants et enivrants. Partition exigeante dont
Cohen s’est emparée avec majesté et brio, rendant avec superbe toute
l'intensité poétique de ce voyage musical inouï. Accomplissement habité
de cette artiste reconnue dès son adolescence pour la sensualité et la
délicatesse de son jeu au timbre affirmé. Le dialogue entre sa guitare
et l'orchestre était vif et posé, habilement contrasté et
complémentaire.
Une belle soirée pour un programme riche en émotion.
Jean-Paul Bottemanne
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Svetlin Roussev, Orchestre Symphonique
de La Garde républicaine, Invalides 24 mai 2022

C’est avec l’immense Svetlin Roussev,
l’un des plus talentueux violonistes de sa génération, splendidement
accompagné par l’Orchestre Symphonique de La Garde Républicaine sous la
baguette émérite de son chef le Colonel François Boulanger que la saison
musicale des Invalides arrive presque à sa fin. Véritable feu
d’artifice, l’union du soliste et de cette formation remarquable s’est
donnée à cœur nu pour un programme savoureux dédié à la musique slave.
Des deux danses, opus 46 de Dvorak en ouverture émergent immédiatement
l’esprit folklorique slave. Le rythme soutenu, le chant enjoué du
violoncelle, l’échange dynamique entre les pupitres emmènent de bout en
bout, témoignant sans faille du charme indéniable dont savait faire
preuve le compositeur tchèque dans l’écriture orchestrale. « Chant »
pour violon et orchestre, l’entrée en matière de Roussev pour le
deuxième morceau de la soirée est un véritable délice avec cette
partition sublime et virtuose du compositeur bulgare Vladiguerov,
injustement méconnu du grand public, tant son écriture est maîtrisée, sa
verve adéquate et sa couleur harmonique d’une richesse fine et subtile.
Ici, Roussev se livre avec profondeur, enivre, envoûte passe du clair à
l’obscur dans un tourbillon ininterrompu. Son toucher est magique, son
archet altier, sa dextérité sans faille, son expressivité à couper le
souffle.
Place ensuite à Kodaly avec Danses de Galanta, inspirées et véritable
hommage aux musiques militaires entendues durant l’enfance du
compositeur hongrois ; jeu de tableaux aux contrastes forts, aux tempi
variants pour une escalade mouvementée et généreuse de l’orchestre.
Final avec le retour de Roussev pour le concerto n.1, opus 19 pour
violon et orchestre de Prokofiev. De nouveau, le violoniste bulgare se
montre éblouissant et majestueux en tout point, et ce, tout au long de
l’œuvre, avec un timbre toujours sur le fil du rasoir qui s’échappe et
croise un orchestre à son écoute, laissant le public pantois et ébahi,
touché par la grâce d’un musicien exceptionnel. Rappels étincelants du
soliste avec notamment Ysaÿe.
Une soirée musicale qu’il ne fallait assurément pas manquer, tant le
niveau, les talents et la qualité étaient époustouflants, la beauté au
rendez-vous, les musiciens dans les meilleures dispositions. Tout
simplement étourdissant.
Jean-Paul Bottemanne
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Lexnews a vu pour vous : concert
Sheila Arnold 3 mai 2022 Goethe Institut Paris

C'est dans le cadre de la Saison Blüthner - Piano Mon Amour organisée
conjointement par la Fondation Alfred Reinhold, le Goethe-Institut Paris
et l'Agence Music 'N Com que Sheila Arnold, artiste de renom
international a été invitée à donner un récital tout en finesse,
virtuosité et passion.
Connue pour sa capacité à dévoiler et rendre à juste propos l'univers
mozartien, elle a subtilement ouvert cette soirée avec la sonate KV280,
dévoilant tour à tour toutes les facettes ici présentes du génie
autrichien. Œuvre équilibrée, à la fois facétieuse dans l'esprit, grave
et profonde, ou encore virtuose, dont la maîtrise juste dans le jeu par
Arnold sur les trois mouvements de cette œuvre a suscité toute
l'adhésion du public. Préambule au contraste fort avec ces trois
magnifiques pièces de Images 1er cahier de Claude Debussy. Ici, la
résonance s'ouvre, le voyage devient onirique, submerge, le toucher
sublime de la concertiste emmène et guide, plonge dans le délice des
harmonies subtiles, pour n'en ressortir que plus affirmé encore.
Poursuite avec cette page d'intimité de Brahms qu'est l'opus 117.
Univers choral en ouverture qui lentement, mais inexorablement, au fil
des mouvements conduit à une plongée introspective et élégiaque, prière
de l'âme toute en grâce. Trois intermezzi ici envoûtants sous les doigts
de Sheila Arnold. Récital conclu par Chopin et son incontournable
ballade en sol mineur op.23. Interprétation avec un rubato superbe et
une personnalité affirmée, lecture singulière, reflet de la sensibilité
propre de l'artiste, une découverte.
Un concert réjouissant, une pianiste brillante qu'il sera toujours
heureux de retrouver sur scène.
Jean-Paul Bottemanne |
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Concert Irina Lankova Gaveau vendredi
15 octobre 2021

C'est avec toute la délicatesse de son
jeu à l'élégance rare, limpide et fluide que la virtuose pianiste russe
Irina Lankova nous a subjugués durant ce récital essentiellement
consacré à Rachmaninov et Schubert. Car on ne peut qu’être fasciné par
son toucher aérien et raffiné d'une sensibilité frissonnante à l'image
au service d'un univers musical exceptionnel qu'elle affectionne et
révèle avec majesté et grâce.
Première partie de programme consacrée à quelques-unes des plus belles
pages de Rachmaninov. D'emblée, Lankova est sublime en ouverture durant
l'Élégie op.3 avec une plongée immédiate dans l'émotion pure. Puis,
virevoltante dans le tableau op.39 n.3, envoûtante dans l'opus 33, n.8
touchante et pudique dans les deux romances Op. 43, n.14 et op..21, n.7,
mystique dans le prélude op.23, n.7, papillon éphémère dans celui de
l'op.32, n.12, sarcastique dans le Liebeslied de Fritz Kreisler. Ainsi,
l'artiste dévoile tour à tour une personnalité musicale fascinante qui
ne peut laisser indifférent. Voyage émotionnel poursuivi avec autant de
justesse et de brio, d'abord par deux pièces méditatives et épurées en
première mondiale de Dirk Brosse, en articulation avec Schubert à
travers l'Impromptu D.899 et deux transcriptions de Liszt de deux
Lieder, trois pièces ici délicatement ciselées avec fougue, passion et
onirisme dans leur interprétation. Conclusion évidente et judicieuse du
programme annoncé par l'apaisement supérieur intrinsèque à l'adagio BWV
974 de J.S. Bach.
Un concert à l'interprétation éblouissante, à l'image du dernier album «
Élégie » de la pianiste, d'une qualité exceptionnelle, qui fera sans nul
doute référence et sur lequel aucun mélomane ne peut faire l'impasse.
Irina Lankova allie génie sensoriel et technique virtuose, exprime
l'indicible, illumine, se confie sans ambiguïté, bouleverse par sa
sincérité et survole son sujet ! Bravo
Jean-Paul Bottemanne |
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Concert Roomful of Teeth, Festival
musique(s) Rive Gauche, mercredi 15 septembre, Salle Colonne

Le second concert du Festival
musique(s) Rive Gauche a proposé un univers musical passionnant. Invité
d’honneur, l’octuor vocal américain Roomful of Teeth créé et dirigé par
la jeune et talentueuse compositrice américaine Caroline Shaw (Prix
Pulitzer 2013 pour la musique à l’âge de trente ans) a immergé le public
dans le spectre innovant de la création vocale contemporaine américaine,
par l’offrande de trois œuvres en première en France. Ensemble qui se
produisait aussi pour la première fois sur scène depuis la pandémie.
Ici, donc trois pièces, The Island, Partita for 8 voices de Caroline
Shaw et Beneath de Caleb Burhans. Des œuvres qui partagent une
esthétique se rapportant en partie au courant de la musique minimaliste,
mais la prolonge et la dépasse ; trois partitions axées autour du timbre
et de la technique vocale sous toutes ses facettes, lyrique, mais aussi
prosodique, ou encore ancestrale comme le katajah inuit.
Avec The Island, la voix plurielle se construit au fur et à mesure,
évolue, se révèle et se tisse au fil du sens de texte de Shakespeare, «
La Tempête », choisi par Shaw dans un jeu perpétuel de nuances,
d’harmonies, de textures, en évitant judicieusement l’obsession du
processus minimaliste.
Beneath, de Burhans, en contraste, est une pièce gommant l’aspect
littéraire par l’absence de texte et appuie des gestes musicaux forts au
travers de trois phases contrastées dans l’exploration des registres et
la construction des polyphonies.
Partita for 8 Voices, enfin, est une cascade en trois mouvements de
vagues successives de climax s’articulant avec intelligence, ou rien
n’est artifice. Ici encore, Shaw a le génie pour dépasser et
s’affranchir du minimalisme avec une partita qui magnifie et amplifie ce
qui est à l’œuvre dans The Island. Chaque idée, chaque geste s’imbrique
l’un dans l’autre, et ce, avec logique et sans superflu. Finalement,
tout est fait pour que chaque voix ait une place à part dans une
mosaïque kaléidoscopique qui dérive, perd, rattrape, saisit, fascine
l’auditeur sans le contraindre.
Trois pièces qui se révèlent avec superbe grâce au talent et à la
virtuosité remarquable et indéniable des huit chanteurs, dont la
compositrice Caroline Shaw, elle-même.
Une belle découverte, un temps fort, l’évidence de la nécessité à offrir
plus d’expositions encore aux compositrices actuelles de la scène
musicale américaine en Europe. Bravo !
Jean-Paul Bottemanne
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Les Kapsber’Girls, Festival Musique(s)
Rive Gauche, mercredi 15 septembre 2021, Salle Colonne

©Vincent
Arbelet
C’est en ouverture de la première
édition du Festival Musiques(s) Rive Gauche, un projet initié par
l’association Petite Musique Bleue et porté par cinq femmes passionnées
et convaincues de l’importance d’élargir l’offre musicale parisienne que
les Kapsber’Girls nous ont présenté en avant-première le répertoire de
leur second album à paraître cet octobre à la Salle Colonne, Paris 1 ».
« Vous avez dit Brunettes ? » réunit un ensemble délicieux et baroque de
treize courtes pièces vocales légères, puisées dans ce vaste répertoire
de la musique française du 17e siècle que sont les brunettes, ponctué de
pièces instrumentales. Évoquant tour à tour l’amour pastoral, la Nature
et parfois aussi plus simplement des chansons à boire, le quatuor formé
par Alice Duport-Percier et Axelle Verner au chant, Garance Boizot et
Albane Imbs aux instruments, a défendu avec brio une couleur et un choix
esthétique plein d’allant et de gaîté, un répertoire qui sous ses airs
faussement faciles, est d’une complexité technique supérieure, aspect
qu’elles auront su faire oublier tout du long de leur concert pour
rester dans l’instant d’une spontanéité musicale maitrisée.
En vraies expertes du genre et du style, n’hésitant pas - tout comme
l’éditeur Ballard en son temps à mettre à jour ces airs avec des
arrangements originaux et parfaitement menés, alliant grâce et
complicité pour une excursion tantôt grave, tantôt joyeuse, mais
toujours animée et riche dans l’expression des affects, les deux
chanteuses Duport-Percier et Axelle Verner ont fait vibrer ces mélodies
lumineuses et ornementées avec justesse. En parfaite adéquation,
l’instrumentation sans faute délivrée aux cordes pincées et frottées par
Boizot et Imbs sur des instruments d’époque est venue souligner le
caractère authentique de ces timbres parfois diaphanes et pourtant
consistants et empreints de noblesse.
Un bel instant de partage, de générosité et d’enthousiasme offert au
public, un temps hors du temps, dont la réalisation est à la hauteur des
espérances pour cette promenade musicale batifolante.
Jean-Paul Bottemanne
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Opera a Palazzo lundi 7 juin 2021,
Fondation Dosne Thiers
Opera A Palazzo, « La Traviata » à fleur de peau...

©Denis
Mareau
C’est dans le décor somptueux et chargé
d’histoire des salons de l’Hotel Dosne-Thiers, Place St-Georges que la
tragique et sublime romance de Verdi se donne à voir et partager avec
une force et une passion exceptionnelle sublimées de façon tout à fait
originale. Car Opera a Palazzo, dans la continuité de Musica A Palazzo
née à Venise en 2005 et dont les créateurs nous transmettent l’âme de
l’expérience de l’opéra immersif, propose ici pour la première fois à
Paris de vivre l’opéra de l’intérieur en gommant les distances avec les
chanteurs, par l’invite d’être avec eux dans le partage le plus immédiat
de l’espace, scène et salle se confondant en un seul lieu, chaque salon
étant le décor réel dont la mise en scène extraordinaire de Patrizia Di
Paola a su tirer pleinement parti. Expérience fusionnelle d’une
intensité sans pareil tant pour les spectateurs que les artistes.

©Denis
Mareau
Ici, l’adaptation primée par The Argus
Angel Award de la Traviata est resserrée autour des trois personnages
principaux, Violetta Alfredo et son père Giorgio dans une orchestration
tout autant restreinte mais terriblement efficace. La magie opère dès le
premier instant, l’entrée en scène d’Alfredo, très vite rejoint par
Violetta s’ouvre sur ce premier duo intense et joyeux du célèbre Libiam
nei lieti calici, tourbillon enivrant de cet amour naissant entre ces
deux êtres. Tout ce qui suit va aller plus haut et plus fort encore.
Merveilleuse Violetta, nous rendant témoin intime de son trouble dans un
frisson indicible. Frisson qui sous le portrait d’Adolphe Thiers dans
l’acte 2 se poursuit avec autant de force et continue de nous envahir
nous mettant le cœur à nu dans ces grandes mélopées verdiennes. Tragédie
qui se joue avec l’arrivée du père d’Alfredo, émotion et sincérité juste
remarquables dans leur duo poignant. Acte 3 scellant le drame avec le
trio vocal se mariant à merveille, Violetta attire, émeut, fige
l’instant par sa douleur, son amour, son émotion tandis le père et le
fils tous deux réunis l’accompagnent avec autant de puissance
dramatique. Ode à l’amour et à la tragédie.

©Denis
Mareau
Tout provoque le frisson, l’émotion est
intacte et prégnante de bout en bout. Que dire des trois chanteurs
habillés des costumes réalisés par l’Atelier Nicolao de Venise, sinon
qu’ils furent extraordinaires. Armelle Khourdoïan est envoûtante, sa
voix nous emporte avec beauté, sa technique est au service de son
personnage, son jeu théâtral captivant. Christophe Poncet de Solages est
son égal dans le rôle d’Alfredo avec un timbre égal et puissant dans
l’ensemble de sa tessiture. De même enfin pour Laurent Arcaro dans le
rôle de Giorgio avec une profondeur et une rondeur vocale, tous trois
scellant une prestation vocale supérieure bien rare. Prestation
instrumentale enfin assise, attentive et en osmose du jeune Philip
Richardson au piano, Anne Balu au violon et Carlotta Persico au
violoncelle.
Que dire encore ? Cette Traviata par
Opera A Palazzo soutenu par des partenaires convaincus de la démarche
nous ramène au cœur même de l’opéra, du mariage entre musique et théâtre
et ne peut que ravir tout amateur de l’art lyrique. Un pur bonheur en
petit comité qu’il faut s’offrir, un spectacle de très grande qualité
complété par une visite de la Fondation et d’un partage convivial autour
d’une coupe de champagne Leclerc Briant pour chacun.
https://opera-palazzo.com/
Jean-Paul Bottemanne |
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Concert BERLIN PARADISE, 26/02/20
Quatuor Manfred, Marion Rampal, Le Bal Blomet, Paris 15e

Avec un choix des plus
judicieux issu du répertoire berlinois de l'entre-deux-guerres, le
spectacle musical « Berlin Paradise », conçu par le Quatuor Manfred et
Marion Rampal et en présence du saxophoniste Thomas Savy, a su ravir son
public lui offrant une interprétation exemplaire toute en souplesse et à
la confluence d'univers musicaux assortis dans l'intimité chaleureuse et
emblématique de la scène du Bal Blomet.
De Kurt Weill à Hollaender en passant par Berg, Hindemih, Schulhoff et
Esler, chacun aura su trouver son bonheur dans la maitrise sublime
offerte par nos musiciens entre pièces instrumentales et chansons de
cabaret, modernité savante et couleurs populaires. D'une cohésion
indicible dans leurs complémentarités, voix, cordes et vent, ont su
captiver, s'imposer, caresser, et s'échapper, vibrant au fil des
mélodies et des harmonies dans un équilibre souverain.
Le quatuor Manfred, superbe dès les premières notes, drape et tisse avec
délicatesse une texture sonore riche et flamboyante. La clarté et
précision de leurs échanges ont magnifié la profondeur des partitions,
gommé l'âpreté des dissonances assumées, et subjugué dans les nuances
des timbres, offrant un écrin précieux au velours prenant de la voix de
Marion Rampal, et un socle attentif aux envolées lyriques des parties
solistes de Thomas Savy.
L'interprétation suave et délicieuse du Youkali de Kurt Weill, la
légèreté malicieuse du Nein de Hanns Esler, le persifflage de
l'ouverture du Hollandais Volant de Hindemith, la mélancolie du Lavender
Song de Spoliansky, furent ainsi autant de parenthèses de bonheur et de
plaisir, filigrane tout en broderie, mémoire de l'émancipation
artistique de la République de Weimar, réprimée brutalement par le
régime nazi, et amenant ces compositeurs d'exception à fuir
l'oppression...
Un beau programme audacieux et des plus réussi que chacun pourra goûter
et retrouver au travers du CD Bye -Bye Berlin (Harmonia Mundi).
Jean-Paul Bottemanne |
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Concert 30 janvier Théâtre
Champs-Élysées
Trio Elisabeth Leonskaja, Lisa Ferschtman, Jakob Koranyi

Pour cette représentation d'ouverture du Cycle Schubert, donnée dans au
Théâtre des Champs-Élysées, le trio formé par la violoniste Lisa
Ferschtman, le violoncelliste Jakob Koranyi et la « dernière grande Dame
de l'École Soviétique », Élisabeth Leonskaja au piano, aura régalé le
public avec les opus 99, D. 898 (Trio n.1 en Mi bémol Majeur) et 100, D
929 (Trio n.2 en Mi bémol Majeur). Deux oeuvres fortes et puissantes,
parmi les dernières composées par ce musicien de génie que fut Franz
Schubert, un an avant sa mort tragique. Toutes deux structurées en
quatre mouvements et empreintes d'une grande expressivité, chacune vibre
d'un charme envoûtant aux caractères bien différents par des thèmes
mélodiques singuliers et forts. Ainsi le lyrisme dominant du premier
contraste avec la dramaturgie exacerbée du second, tout comme la
distribution et l'équilibre entre les trois musiciens.
Trio n.1 séducteur, habilement souligné et mis en lumière par nos trois
virtuoses, commence par un Allegro radieux à la texture riche et
colorée, suivi d'un Andante introspectif et rêveur au travers des
dialogues subtils entre cordes et clavier, avant le Scherzo et le Rondo,
deux mouvements vifs, dynamiques, dansants et rythmés, riches en
variations et modulations subtiles, brodant en beauté un fil musical
élégant. Tout au long de l'œuvre, l'équilibre entre les trois pupitres
propose des pages sublimes empreintes de poésie musicale portées par la
sensibilité des trois interprètes.
Le Trio n.2, écrit la même année que le précédent, propose un tout autre
programme avec une approche plus tourmentée et un rôle plus important
donné au clavier. La passion s'exprime avec ardeur durant l'Allegro au
travers de trois thèmes : L'inquiétude et l'angoisse s'imposent dès les
premières mesures de l'Andante avec une magnifique et saisissante
mélodie inspirée d'un lied d'origine scandinave, d'abord évoquée par le
violoncelle, puis sublimement portée par le piano, et illuminée par les
réponses souples des archets. Scherzando en réponse et rappel de
l'Allegro, duquel continue d'émerger la force dramaturgique ; Allegro
final faisant réentendre le thème funèbre entendu dans l'Andante avec
une opposition entre deux épisodes contrastés.
Trois musiciens d'exception à la sensibilité raffinée. Lisa Ferschtman
donne corps à ses lignes avec enthousiasme et élégance, Jakob Koranyi
interpelle et captive par la transcendance de son jeu, Élisabeth
Leonskaja subjugue en maestria d'un toucher émouvant dans sa prosodie
mélodique, émeut par l'humilité et la sincérité musicale de son
incantation, une performance fusionnelle qui aura offert au public de
plonger tout entier dans l'univers schubertien avec délectation.
Jean-Paul Bottemanne |
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Concert Maîtrise Notre-Dame orchestre
de Paris Mercredi 20 novembre 2019

La fructueuse collaboration entre
l'Orchestre de Chambre de Paris et la Maîtrise de Notre-Dame a toujours
conduit à la réalisation de soirées musicales brillantes et
exceptionnelles, et ce dernier concert ne fit pas exception ! Celui-ci
sous la baguette de Douglas Boyd en l'Église Saint-Eustache, n'a en
effet pas dérogé à l'accomplissement d'une rencontre pétulante qui aura
tenu toutes ses promesses.
Entrée en matière avec la Fantaisie pour cordes sur un thème de Thomas
Tallis de Ralph Vaughan Williams, pièce en un mouvement, considérée à
juste titre comme l'une des plus belles œuvres du compositeur anglais.
Le jeu permanent de couleurs et d'espaces entre les différents pupitres
fut un délice organique, faisant apparaître, en une myriade de nuances
et de contrastes, le service d'une conduite mélodique envoûtante de
laquelle ont émergé tour à tour des sonorités enchanteresses, lignes
solistes gracieuses, dialogues habiles et mariages réussis ; La conduite
inspirée du chef donnant vie à chaque passage, âme à chaque geste,
jusqu'au point d'orgue final.
Chef d'œuvre incontournable du genre, le Requiem de Mozart en deuxième
partie, pièce légendaire, de par le mystère qui entoure sa composition,
a dégagé une force et un souffle d'une envergure hors du commun que les
quatre chanteurs solistes, Mireille Asselin, Éva Zaïcik, James Way et
David Soar, la Maîtrise et L'Orchestre de Paris, n'auront de cesse de
magnifier durant les huit mouvements con brio. À chaque instant, la
polyphonie se fit lumineuse et pénétrée, l'interprétation incarnée, le
contexte évident, le sens sublimé. Le flux musical baigne d'une énergie
irradiante entre les voix et les instruments. La Maîtrise impressionne
de par son unité vocale et sa justesse d'une intonation luminescente,
alors que les solistes ont, pour leur part, investi leurs parties avec
une musicalité irréprochable, chacun dans la beauté de son registre et
de sa voix ; profondeur pour le basse David Soar, brillance pour le
ténor James Way, pureté exquise pour Éva Zaïcik, clarté chaleureuse,
enfin, pour Mireille Asselin. Une maîtrise à laquelle l’ensemble
instrumental est venu répondre, proposer, soutenir et s'ajuster avec
finesse et élan. Douglas Boyd canalise, guide, insuffle et élève,
amenant l'ensemble des musiciens et chanteurs à un achèvement tant
sensible que solennel et opulent. Une réussite totale dont le mérite
revient également aux chefs de chœur de la Maîtrise, Henry Chalet et
Emile Fleury dans la préparation de ce très bel événement.
Jean-Paul Bottemanne |
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Concert Maîtrise Notre Dame, mercredi 9 octobre
2019, à Saint-Eustache.

C'est par une prestation d'une rare qualité que la
Maîtrise de Notre Dame a subjugué le public lors de sa première
représentation « Hors les Murs » en l'Église Saint-Eustache. Sous la
direction de Henri Chalet, le chœur d'adultes s'est montré exemplaire
dans sa musicalité, émouvant dans ses interprétations, sincère,
chaleureux et proche dans son partage artistique, invitant notamment par
deux fois le public à une immersion sonore sublime dans l'intimité de sa
disposition spatiale.
Programme délicieusement débuté par Yves Castagnet, avec la Sonate pour
Orgue en ré mineur, op.65, n.6 de Félix Mendelssohn. Son jeu au doigté
souple et posé, mettant tantôt le thème choral en valeur, tantôt la
conduite de la fugue en évidence, a éclairé avec brio et limpidité une
œuvre délicate, et gagnant en force et caractère au fur et à mesure de
la partition jusqu'au final majestueux.
Programme poursuivi avec les trois motets de l''opus 96 du même
compositeur. D'emblée, la mise en œuvre de la vocalité pleine et aboutie
du chœur d'adultes de la Maitrise s’est révélée évidente et ne se
démentira pas jusqu'à la fin du concert. Les polyphonies dansent au gré
de lignes distinctes et totalement perceptibles pour chaque pupitre,
tandis que l'alto Joséphine Geoffroy - pour le premier motet, et la
soprano Thais Rai-Westphal - pour le troisième, nous ont régalés dans
leurs rôles solistes de leur voix aux timbres envoutants et équilibrés ;
Il en sera de même pour le quatuor du second motet formé par Luisa
Trejos Olmos, Orelle Pralus, Gael Martin et Matthieu Walendzik.
Interlude avec le Cantique de Jean Racine, une œuvre de jeunesse de
Gabriel Fauré - alors élève de l'École Niedermeyer, au caractère presque
énigmatique dans sa conduite polyphonique fuguée.
Final enfin avec le Requiem de Fauré, pièce emblématique du répertoire
liturgique récent dont la profondeur et la beauté sont si achevées dans
l'écriture qu'elle n’ont pu qu’inviter sans condition au recueillement
et au questionnement. Les sept parties ont, en effet, offert un régal
sans équivoque, ici mises en exergue par la Maîtrise avec un tel talent
révélant une approche expressive mélodieuse toute de nuances et finesse
- et sans l'exagération emphatique que la puissance dramatique de
plusieurs passages peut parfois susciter. L'unité fut complète et
évidente, et la portée du message liturgique totalement présente.
Félicitations aux deux solistes, la soprano Ana Escudero, tout
simplement époustouflante dans son placement et sa musicalité, ainsi
qu’au baryton Matthieu Walendzik, à la voix puissante et profonde, d'un
timbre d'une gravité marquante et épanouie dans sa personnalité.
Félicitation enfin à Henry Chalet pour sa direction allante, sa vision
musicale et ses choix dans l'élaboration artistique de ce programme de
rentrée, ainsi qu’à Yves Castagnet pour sa relation instrumentale en
osmose parfaite avec le chœur. Une saison « Hors les murs », généreuse
dans sa programmation qui s'annonce sous les meilleurs augures.
Jean-Paul Bottemanne |
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concert «
privé » Duo Varnerin 22 octobre 2019

À l'occasion d'un concert privé, le
duo Varnerin, tandem complice de la soprano Stéphanie et de son frère
Mathieu à la guitare, a donné la possibilité de découvrir en
avant-première une partie des pièces que chacun pourra retrouver sur
leur premier opus « Renouveau » à paraître à partir du 25 octobre sur le
label Muso.
Leur répertoire, un hommage quasi exclusif à la mélodie française et à
ses plus grands compositeurs, porte autant l'originalité audacieuse de
la transcription pour guitare et voix d'œuvres intimistes et suaves que
l'expression d'une poésie musicale inspirée. Un travail de réécriture
instrumentale judicieux exercé en tout point dans les choix de Mathieu
Varnerin et révélant un équilibre savant des sonorités qu'il a su
trouver ; Des sonorités aptent à éclairer sans exagération dans ces
mélodies la partie vocale ou venant transfigurer notamment cette
Berceuse de Louis Vierne, une œuvre originellement pour orgue. Les
harmonies complexes de Debussy, la modalité revisitée de Déodat de
Séverac, le raffinement galant de Reynaldo Hahn, ou encore la finesse de
Fauré, trouvent ici leur juste place dans l'échange musical entre voix
et guitare, s'exprimant avec profondeur et facilité. L'écrin est propice
à la très belle voix aux couleurs chatoyantes, claires et maîtrisées de
Stéphanie Varnerin. Les phrases s'envolent avec grâce, s'étirent avec
aisance, le maniérisme est évité, la musicalité est évidente et engagée,
et le partage du plaisir immédiat.
Nul doute qu'ils sauront conquérir par leur talent le cœur d'un public
plus large en portant haut les couleurs de ce genre musical qu'ils
affectionnent que ce soit lors des prochaines dates annoncées ou par ce
premier enregistrement « Renouveau ».
Bravo encore à la qualité indéniable de leur entreprise, manifestation
d'une expertise aboutie, ciselée et assurée.
Jean-Paul Bottemanne |
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Concert 26 mars 2019 Cathédrale Notre
Dame de Paris
Chant grégorien et musique médiévale

Beatus Vir, un programme magistralement bâti autour d'un corpus
de conduits, motets et répons du XIIe et XIIIe majoritairement issus de
l'École de Notre-Dame et judicieusement complétés par trois exemples de
chansons de trouvères. Un beau programme présenté par un ensemble
lumineux de cinq solistes tous issus de de la Maîtrise de Notre Dame
sous la direction du talentueux Sylvain Dieudonné à la vielle et
accompagné de Françoise Johannel à la harpe. Que dire devant tant de
grâce vocale et de talents réunis, entre les sopranos Hélène Richer,
Julia Gaudin et Florence Pouderoux, l'alto Clotilde Cantau et le
contre-ténor Raphaël Mas. Chacun, chacune aura été apprécié en soliste
et en choeur pour le plus grand bonheur de tous dans des combinaisons à
géométrie variable. Chacun, chacune aura généreusement joint l'intensité
spirituelle à l'expression musicale et poétique dans une qualité vocale
remarquable de pureté et d'assurance. Les mélismes coulent avec aisance
et fluidité, les couleurs modales sont mises en évidence, la polyphonie
s'exprime clairement, le souffle est communiqué, le lyrisme présent, le
timbre riche et profond. Le plaisir et la passion enfin qui les habitent
font de ce groupe un ensemble vocal supérieur et virtuose du début à la
fin, de véritables ambassadeurs de la beauté inaltérable de la musique
médiévale; ils méritent d'être applaudis sans retenue pour leur maîtrise
et leur juste expertise dans l'interprétation de ce répertoire délicat
et raffiné. Interprétations soulignées et appuyées avec tact et emphase
discrète par les deux musiciens. Véritablement un vrai bijou de bout en
bout.
Jean-Paul Bottemanne |
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Concert Invalides Jeudi 21 février
2019 Orchestre Chambre Toulouse et Remi Geniet

L'invitation offerte au prodigieux jeune
pianiste Remi Geniet et à l'Orchestre de Chambre de Toulouse sous la
direction de Gilles Colliard de s'unir dans l'écrin de la Salle Turenne
des Invalides aura été un vrai régal tant l'intensité et la qualité
éblouissante de leur concert furent une réussite.
Entrée en matière avec une version pour cordes de la Symphonie n.36 «
Linz » de Mozart, oeuvre caractéristique de l'époque viennoise du génie
autrichien. L'évidence mélodique coule et se maintient au gré des quatre
mouvements dans une succession de contrastes et de couleurs finement
ciselés par l'orchestre de Chambre, comme dans l'Allegro et l'Andante.
Les propositions et les réponses sont distinctes et posées, la
polyphonie des pupitres clairement perceptible et la direction attentive
et habitée de Gilles Colliard engage pleinement jusqu'aux dernières
notes du Presto plein d'allégresse.
Contraste saisissant avec le Concerto pour piano opus 16 d'Edward Grieg.
Cette oeuvre exigeante au lyrisme romantique exacerbé captive de bout en
bout. Les thèmes imposants et les motifs envoutants impriment un élan et
une grâce superbe. Souffle retenu dès l'introduction fougueuse de Remi
Geniet qui n'a de cesse de faire chanter son instrument dans une
explosion féerique et sensible à chacune de ses interventions. Jeu
magistral du jeune prodige qui emporte avec lui le public dans le déluge
d'une partition pianistique virtuose au plus haut niveau. Son toucher
d'une sensualité délicieuse révèle une essence passionnelle d'une
noblesse supérieure. Expression adroitement habillée et complétée par
l'Orchestre de Chambre de Toulouse aux sonorités justes et égales, avec
un chef toujours aussi attentif. Les dernières notes laissent un public
ivre de tant de générosité, bée devant tant de talent. Véritablement des
artistes à entendre et réentendre dès que possible.
Jean-Paul Bottemanne |
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2004 : ANNÉE MARC-ANTOINE CHARPENTIER
JORDI SAVALL ET MARC-ANTOINE CHARPENTIER : une interview
exclusive
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Notre revue a eu le grand plaisir de demander à Jordi
SAVALL quelles étaient ses impressions quant au grand musicien français dont
nous fêtons le 300ième anniversaire de sa mort. Avant le concert consacré à
CHARPENTIER qu'il donnait cette soirée à Vézelay, il a bien voulu rappeler
quelles furent les conditions de sa rencontre avec l'oeuvre du musicien et quels
conseils il propose à l'auditeur contemporain pour aborder cette oeuvre
délicate...

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LEXNEWS 2004
LEXNEWS : « Comment avez-vous
découvert CHARPENTIER dans votre parcours musical ? »
Jordi SAVALL :
« J’ai
découvert CHARPENTIER dans la première période de mon parcours où j’étudiais la
musique française de Marin MARAIS, François COUPERIN, et bien d’autres encore
que je découvrais avec passion à la Bibliothèque Nationale et également à la
Bibliothèque de Versailles. C’est avec ce travail de recherche que je me
préparais à apprendre à jouer de la viole de gambe et à cette occasion je me
suis rapidement rendu compte que CHARPENTIER était l’un des plus grands de cette
époque. C’est à cette même époque que j’ai réalisé que autant LULLY, et après
lui Marin MARAIS et François COUPERIN, avait pris une place très importante dans
la musique d’opéra et la musique instrumentale, autant CHARPENTIER avait
vraiment développé avec la musique religieuse un art dans lequel il excellait au
dessus de tous. J’ai essayé en premier lieu de m’imprégner de son œuvre. Après
quelques années de travail, j’ai pu réunir un bon ensemble de chanteurs avec la
Capella Reial et en 1989 nous avons fondé le Concert des Nations avec
lequel nous avons pu réaliser le premier enregistrement de CHARPENTIER.
J’essayais alors de choisir des pièces qui montraient le parcours de la vie de
Marie mis en musique. C’est ainsi que j’ai pu introduire des pièces dans ce
disque qui dataient de ces premières années de recherche. Je dois avouer que
c’est toujours un souvenir émouvant que d’évoquer cette période où j’avais
réussi à réunir toute l’œuvre complète de CHARPENTIER en microfilms : cela
tenait en 4 ou 5 grands rouleaux de microfilms ! C’est ainsi que je pouvais
aller d’un livre à l’autre et choisir à loisir toutes les œuvres de ce grand
musicien. C’est en plus une musique qui est écrite de manière très claire, la
plupart des œuvres que nous avons enregistrées pour ce disque ont d’ailleurs été
jouées à partir de l’original sans transcriptions. C’est en effet un de mes
meilleurs souvenirs quant au travail sur la musique religieuse baroque de cette
époque avec MONTEVERDI ! »
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LEXNEWS : « Quel conseil Jordi
Savall pourrait il donner à un auditeur contemporain pour écouter CHARPENTIER de
nos jours ? »
Jordi SAVALL :
« Je pense que c’est une musique qui comme toutes les musiques est tributaire de
son interprétation. Il y a certes des musiques qui s’avèrent être plus
tolérantes quant à leur approche. Elles peuvent supporter des interprétations
plus souples sans pour autant les dénaturer. A l’inverse, pour la musique de
CHARPENTIER, comme celle de Marin MARAIS d’ailleurs, l’interprétation, le jeu de
la viole, la manière de chanter ainsi que tous les autres processus contribuent
à la dimension spirituelle de cette musique. Les œuvres de CHARPENTIER comme
celles de MONTEVERDI ou celles de Tomas Luis de VICTORIA sont beaucoup plus que
de belles compositions ou de beaux contrepoints, il y a toujours un message
spirituel très fort et il faut le retrouver. Il faut vraiment dépasser le cadre
du concert et considérer ces musiques comme de véritables œuvres vivantes
spirituelles. Je pense que c’est ce qui fait que ces musiques sont parfois plus
difficiles d’accès à un auditeur si l’interprète n’est pas véritablement habité
par cette approche. Je pense que c’est le danger de faire du CHARPENTIER comme
on pourrait faire du HAENDEL ou du VIVALDI, ce n’est pas la même chose ! Si des
œuvres de CHARPENTIER peuvent apparaître de prime abord comme spectaculaires, ce
n’est pas cet aspect qui prime chez ce compositeur… Je pense qu’il est possible
de lui appliquer cette phrase de COUPERIN qui disait : « J’aime mieux ce qui me
touche que ce qui me surprend » ! CHARPENTIER offre toujours une musique pleine
de grâce, de finesse, de contrepoint, d’harmonies très recherchées ainsi qu’un
travail sur les voix, sur la conception même de l’œuvre.
Les œuvres de CHARPENTIER ont un peu souffert d’autres
répertoires plus populaires. A l’époque le prestige qu’avait LULLY grâce à ses
privilèges éclipsait les autres musiciens de faire connaître leur art. Il ne
faut surtout pas considérer l’œuvre de CHARPENTIER sous cet angle car il n’est
pas un musicien de cour. Son œuvre religieuse est d’une grande pureté inspirée
notamment par l’Italie avec le travail réalisé avec CARISSIMI. Pour moi, c’est
un peu le PURCELL français avec qui il partage sa dimension créatrice, sa
maîtrise du contrepoint et son goût pour la recherche d’harmonies très
hardies.
Il me semble que le meilleur conseil que je puisse donner à
un auditeur contemporain c’est de prendre son temps pour découvrir tout cela. Il
faut se laisser porter par la musique et essayer d’entrer dans cette dimension
spirituelle et esthétique de l’œuvre de CHARPENTIER. »
© LEXNEWS 2004
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